Je connaissais Dda.Muhend Messaoudene depuis assez longtemps mais je ne saurais dire quand. Je le connaissais d’abord de réputation. Je savais qu’il activait dans le mouvement associatif, notamment en donnant des conférences pour sensibiliser les citoyens sur la protection de l’environnement et en organisant des randonnées pour faire connaitre le patrimoine écologique beau, riche et varié de la Kabylie.
J’ai rencontré Dda.Muhend pour la première fois à At-Zikki. C’était ma première randonnée. Ce qui m’avait marqué de prime abord chez lui c’était sa simplicité, son sens de l’humilité. Il n’aimait pas les mots pompeux et les superlatifs. Il ne voulait pas qu’on l’appelle docteur. Il avait aboli toutes les distances qui séparent les êtres humains. Il était simple comme bonjour.
Depuis, j’ai participé à un grand nombre de randonnées qu’il organisait. Très généreux, il lui arrivait de payer de sa poche toutes les places d’un fourgon. Il nous avait transmis sa grande passion de la randonnée. Aujourd’hui, on ne peut s’en passer. Au fil du temps, j’ai appris à apprécier son courage. Quand nous formulions des réticences à propos d’un itinéraire que nous jugions dangereux à cause d’une éventuelle présence terroriste, qui était plausible à l’époque, il trouvait toujours une formule magique pour galvaniser le groupe qui enregistrait à chaque fois de nouveaux adhérents, en nous disant par exemple : « Ce serait un honneur de mourir dans la montagne, adossé à un cèdre gigantesque, ombrageux et millénaire. »
Dda.Muhend nous a aidés à vaincre la psychose instaurée par les intégristes. Aujourd’hui, grâce à lui, les associations de randonneurs foisonnent dans toute la Kabylie. Elles commencent à se réapproprier ces espaces vitaux, naturels et relaxants.
Lors des multiples randonnées effectuées dans les montagnes du Djurdjura et les forêts d’Akefadou, Dda.Muhend nous incitait souvent à communier avec la nature, à etre attentifs à ses bruits, à essayer de percer ses secrets, à être réceptifs à la beauté de la nature…au lieu de marcher tètes baissées sans aucune curiosité. Il nous incitait souvent à lui poser des questions afin de connaitre de nouveaux sites, de nouvelles espèces d’arbres, de plantes, d’insectes, d’animaux et tant d’autres choses encore sur l’écologie et la biodiversité. Il insistait souvent sur ce qu’il appelait la randonnée découverte.
En plus d’être un guide et un professeur, il s’est découvert un nouveau talent d’animateur culturel. Après la pause -déjeuner, Dda.Muhend organise le cercle culturel. Il encourage les jeunes chanteurs, les danseurs, les poètes, les conteurs, les comédiens…à se débarrasser de leur timidité pour participer à l’ambiance du groupe. Comme dit l’adage « Plus on est de fous, plus on s’amuse. » Il n’hésite pas à donner l’exemple en dansant, en chantant, en racontant des histoires et des anecdotes ou en récitante les trois poèmes qu’il connaissait : un en Arabe, un en Kabyle et un en Français.
J’ai effectué ma dernière randonnée avec Dda.Muhend le premier Novembre 2016 à l’invitation des randonneurs de Bouira. Nous avions emprunté ensemble l’itinéraire Adekkar-Agelmim Aberkan. Dda.Muhend était l’ombre de lui-même. Pâle et livide, je sentais qu’il avait perdu sa fraicheur et son dynamisme d’antan. Au retour, nous avions emprunté des chemins différents.
Le Vendredi 18 Novembre, journée qui restera triste dans l’histoire de la randonnée, Dda.Muhend effectue sa dernière randonnée à Tamda Ugelmim. Il meurt dans un site paradisiaque comme il l’a rêvé. Dieu exauce les rêves de ceux qui ont un cœur pur comme Dda.Muhend.
Sans nul doute, son image joviale, tendre et chaleureuse continuera d’accompagner dans la nature et dans les airs tous ses amis randonneurs qui ont appris à le connaitre et l’aimer. Repose en paix ! Adieu Dda.Muhend !
Hommage à Dda.Muhend Messaoudene (1953-2016).